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L’incinérateur de Clermont-Ferrand :
quand la démocratie part en fumée






« Vous me faites penser aux opposants de l’incinérateur de Clermont-Ferrand", disait Mr. Aguilera, qui a succédé à Mr. Malhuret comme Maire de Vichy et Président d'agglomération.
"Ils ont eu beau s’agiter pendant des années, le projet s’est fait quand même. »

Et en effet, les Clermontois se sont courageusement battus pendant près de vingt-cinq ans contre un projet d’incinérateur qui allait diminuer leur espérance de vie. Car les incinérateurs de déchets ménagers augmentent de façon très nette les risques de cancers mortels (voir, par exemple, cette étude).

On connait leur nocivité depuis longtemps, et c’est pour cela que, dès les années 1980, des centaines d’incinérateurs ont été fermés en France et en Europe. C’est aussi pour cela qu’à Clermont-Ferrand, 531 médecins avaient signé une pétition contre le projet. Au fil des années, les manifestations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes. Des clermontois ont campé nuit et jour, pendant des mois, sur le chantier. Ils ont manifesté tout nus pour souligner leur vulnérabilité de simples citoyens. Ils ont fait Clermont-Paris en vélo pour aller défiler dans la capitale. Les enfants des écoles ont fait des dessins contre l’incinérateur. Une pétition a été examinée par la Commission Européenne, etc etc.




Un tel cri du coeur de la population n’a guère ému les tenants de ce projet qui était, non seulement criminel, mais également absurde et dépassé. Car l’incinération est incompatible avec cette solution d'avenir qu'est le recyclage, du moins pour les papiers et cartons, dont l’opérateur a besoin pour entretenir le feu.

Autre absurdité : avec ce système, les déchets d’un territoire de la taille d’un département sont tous drainés vers Clermont-Ferrand, à l’endroit où ils polluent le plus de monde possible. Au fond, incinérer des déchets consiste à les vaporiser (en créant, au passage, des dioxines et autres furanes), et donc à utiliser comme dépotoir... les poumons des habitants.

Autant dire que les officiels ont fait profil bas lors de l’inauguration de la bête, en 2013. Et depuis, ils répétent ce refrain : « Personne n’est responsable ». Dans la presse de l’époque apparaît souvent cette phrase : « L’incinérateur s’est construit malgré l’opposition de la population et des élus. » De la population, d’accord... mais des élus ?!....

Pour savoir si les élus se sont vraiment opposés de bonne foi à cet incinérateur, nous avons mené pendant un an une véritable enquête historique, avec retour sur les articles de presse, interview d’acteurs et de témoins de l’époque et même, consultation des archives de la ville de Clermont-Ferrand.



Nos conclusions : 1° - Les élus n’ont pas fait tout ce qu’ils auraient dû faire pour empêcher ce projet. 2° - Le projet a pu aboutir parce qu’un montage institutionnel avait été mis en place afin, justement, de protéger ces élus contre d’inévitables sanctions électorales.

Cette histoire, peu connue, est pourtant riche d'enseignements pour tous les citoyens, et en premier lieu, pour ceux de Vichy agglomération.

I – Le premier projet d’incinérateur, dans le quartier de La Combaude (1988-1993)

A la fin des années 1980, un premier projet d’incinérateur avait vu le jour, en coordination avec Michelin, qui devait réutiliser une partie de la chaleur produite. Mais très vite, la population s’est mobilisée. Et la sanction éléctorale est tombée : en 1993, dans la circonscription de La Combaude, qui était pourtant un quartier populaire, les électeurs expulsent leur député sortant, allié du Maire, et élisent à la place Michel Fanget (UDR), qui s’était opposé au projet d’incinérateur.

Quelques jours plus tard Roger Quillot, Maire de Clermont-Ferrand, annule le projet d'incinérateur, craignant pour les prochaines élections municipales.

Les électeurs ont parlé. La démocratie a fonctionné normalement.

II – Le deuxième projet (1997-2013)

Mais les partisans de l’incinérateur ne désarment pas. C’est trop facile, se disent-ils : avec ce système, on ne pourra plus construire le moindre projet polluant. La solution a donc consisté à mettre en place un organisme tellement alambiqué que les citoyens ne comprennent plus qui, au juste, prend les décisions. Ainsi est né le VALTOM, Syndicat pour la Valorisation et le Traitement des Déchets et Assimilés.

Vous pensiez, comme tout le monde, qu’un « syndicat » servait à défendre les droits des travailleurs ? Erreur : un « syndicat » est aussi un organisme formé par des communes ou des communautés de communes.
Une fusée à plusieurs étages.
Le VALTOM en a quatre.



Le premier étage, c’est la commune : bien trop simple. Le deuxième étage est la communauté de communes (type Clermont Communauté). Ensuite, chaque communauté de communes met en place un organisme spécifiquement dédié au traitement des ordures ménagères, un SICTOM (Syndicat Intercommunal de Collecte et de Traitement des Ordures), avec ses délégués, ses Vice-Présidents, etc. Et enfin, le VALTOM chapeaute tout cela.

Ils sont 543 Maires, actuellement, à adhérer à ce machin. L’occasion rêvée pour chacun de rejeter la responsabilité sur les autres. En effet, que peut un simple Maire contre les 542 autres ?

Dans son rapport publié en 2012 sur le VALTOM, la Cour Régionale des Comptes, en page 11, s’interroge : pourquoi un si vaste périmètre, alors qu’une loi préconise de « respecter le principe de proximité » et d’éviter « les transferts [ des ordures ] sur longue distance » ? Voyez, ci-dessous, la carte du territoire du VALTOM; elle inclut même une partie de la
Haute-Loire.
Mais il est vrai que plus le territoire est vaste, plus la responsabilité est noyée.
Et souvent, les élus préfèrent les projets gigantesques.





Ce n’est pas un hasard si l’inscrutable VALTOM voit le jour en janvier 1997, peu après l’annulation du premier projet d'incinérateur. Son Président fondateur l’explique en toute simplicité dans Valmag, le magazine du VALTOM (n°25, mai 2017, p. 4) :

« Suite à l’échec du projet d’incinérateur « de la Combaude » porté par la ville de
Clermont-Ferrand, l’idée d’une structure départementale s’est progressivement
imposée... »

Il fallait donc inventer une nouvelle structure pour accomplir ce que la commune de Clermont-Ferrand, entité trop démocratique, n’avait pas pu faire. Une sorte de « société-écran », en somme.




Bien joué ! Pour les opposants à l'incinérateur, le VALTOM est ainsi devenu un adversaire inssaisissable.

Comme par hasard, les statuts du VALTOM mettaient en minorité Clermont Communauté, le territoire sur lequel allait être installé l’incinérateur. Clermont n’avait que 5 délégués sur 28, alors qu’elle représentait, à l'époque, plus de la moitié de la population du VALTOM !
Jamais des élus n'auraient dû accepter cela. Tout se passait comme si les élus clermontois avaient voulu organiser leur propre impuissance.

La Cour des Comptes s'en émeut dans son rapport de 2012, et note que les représentants de Clermont-Ferrand ne se sont jamais plaints de cette configuration inéquitable (page 13 du document). La Cour relève aussi que Clermont paye une lourde quote-part, comme si elle avait les droits de vote qu'elle n'a pas.




Surtout, le rapport des Sages note, en page 22, qu’au sein du VALTOM, les décisions les plus importantes sur l’incinérateur ont été prises, dans la majorité des cas, à l'unanimité, et donc, logiquement, avec l’assentiment des représentants de Clermont-Ferrand.

Tout ceci est proprement incroyable, lorsqu’on connaît l'opposition farouche au projet d’incinérateur publiquement affichée par le Maire de Clermont-Ferrand, notamment à l’approche des élections municipales de 2008. En 2008, tout avait déjà été acté, on ne pouvait plus revenir en arrière. Mais le Maire a multiplié les déclarations, a engagé des recours, est allé jusqu’à marcher dans la rue contre ce projet, et jusqu’à demander que Clermont Comunauté se retire du VALTOM. Comme par hasard, la procédure a échoué.

Le subterfuge a donc fonctionné. Après avoir sur-joué son rôle d'opposant frénétique à la pollution, le Maire a été réélu en 2008.

Mais, comme le titrait La Galipote, au vu des décisions prises par le passé ...




A nous d'en prendre de la graine

Vingt-cinq ans de lutte, des associations, des collectifs, des pétitions, une mobilisation exceptionnelle dans son ampleur et dans sa durée ... tout cela a été peine perdue ... parce que les Clermontois ont fait l’erreur de croire aux simagrées de leur Maire.

Une leçon à méditer ....

Pas étonnant, alors, que Mr Aguilera, s’appuyant sur ce beau triomphe, ait paru si sûr de son coup. La stratégie de la "société-écran" avait été testée avec succès.

Et c’est justement ce même Maire de Clermont-Ferrand de l'époque, Serge Godard, qui a créé, en 2013, avec Claude Malhuret, le « Syndicat mixte Clermont Vichy Auvergne », rebaptisé ensuite « Pôle Métropolitain Clermont Vichy Auvergne ».

Celui-ci se proposait, en juin 2016, de « participer à la création du Pôle de ‘Chimie Verte’ d’Auvergne» (le fameux projet Montpertuis), s'apprêtant ainsi à piétiner les droits des Vichyssois.





On peut noter, au passage, que l'appartenance politique n'a rien à voir avec tout cela. La municipalité clermontoise est (depuis toujours) PS, alors que la municipalité vichyssoise est LR. A Vichy, la députée LREM (voir ici), et même les écologistes (voir ici) se rangent, sur ce sujet, aux côtés du pouvoir LR en place.

Mais "la politique" n'est pas pour autant à négliger: car c'est la perspective d'une "veste" aux élections municipales qui a fait reculer, en 1993, le projet d'incinérateur de La Combaude. Chacun doit donc se rapprocher du parti dont il se sent le plus proche et tenter de contre-balancer, auprès de lui, l’influence des lobbies.

Quel organisme sera, à Vichy, l’équivalent du VALTOM ? Ce Pôle Métropolitain, la "Société Publique Locale Clermont Auvergne" qui vient d’être créée (cf plus bas) ou alors ... les deux ?

Nul doute qu'après avoir lu la révoltante histoire de l'incinérateur de Clermont-Ferrand, vous relirez avec intérêt les informations sur cette nouvelle Société Publique Locale Clermont Auvergne.
Nous les reproduisons ci-dessous.

Mais la comparaison entre l'incinérateur et le projet Montpertuis ne s'arrête pas là. Car on retrouve, dans les deux cas, les mêmes sociétés privées. Outre Michelin, partie prenante dans le premier projet d'incinérateur, le VALTOM a pour partenaire une filiale de Suez ... impliqué, lui aussi, sous son nouveau nom d'Engie, dans le projet Montpertuis.

Ils se connaissent tous tellement bien !

La Cour des Comptes a critiqué, d'ailleurs, la façon dont le VALTOM avait attribué à Suez le marché de l'incinérateur (près de 150 millions d'euros, simplement pour la construction initiale), car il n'y a pas eu de concurrence: l'offre de Suez était la seule.

Depuis sa création, l'incinérateur a dépassé toutes les craintes qu'on pouvait mettre en lui. Car non seulement il empoisonne les Clermontois et les tue (23 000 nouveaux cas de cancer par an à l'hôpital Jean Perrin), mais il est devenu une énorme pompe à fric pour Suez/Engie.

Dans cet article, l'UFC-Que Choisir dénonce l'opacité des comptes et le million d'euros transféré, en 2016, à la maison mère, Suez/Engie, en même temps que l'augmentation constante de la redevance "déchets" payée par les habitants. Devant l'accumulation des irrégularités au détriment des citoyens, L'UFC-Que Choisir demande un nouvel audit de la Cour des Comptes Régionale.

Pour les Vichyssois, la leçon est claire: quand le mal sera fait, il ne s'arrêtera plus.

A Vichy agglomération,
notre démocratie, part-elle, elle aussi, en fumée ?





Comprendre ce qui s'est passé à Clermont-Ferrand va nous permettre d'éviter que la même chose nous arrive, à nous, habitants ou amoureux de l'agglomération de Vichy.

Le problème: nous assistons depuis quelques temps à la création d'un certain nombre de "fusées à plusieurs étages", ces regroupements de communes ou de communautés de communes qui ne présagent rien de bon pour la transparence et la démocratie. On dirait même qu'un "petit VALTOM" vient de naître chez nous.

En effet, le 8 mars 2018, Vichy Communauté a délégué son pouvoir de décision sur l’aménagement du site de Montpertuis à un nouvel et mystérieux organisme, la Société Publique Locale Clermont Auvergne.

Déjà, en soi, c’est inquiétant. Mais quand on lit les statuts de ce « machin », on découvre que les représentants de Clermont-Ferrand y ont trois fois plus de pouvoir que ceux de Vichy !
Ils ont quasiment les deux-tiers des votes:



Le document entier est disponible ici. Le lien entre cette SPL et le site de Montpertuis est donné par une citation de Mr. Aguilera, Président d’agglomération, reproduite en page News.

Les élus de Vichy Communauté sont-ils en train d'organiser leur propre impuissance ?

Allons, dit-on pour se rassurer, il s’agit sans doute d’une société qui va gérer les détails ingrats de l’aménagement. Pour les grands choix, les grandes orientations, ce sera encore la Communauté d’agglomération qui décidera, quand même ?

Stupéfaction : il n’en est rien, au contraire. Car la grande étude annoncée par Mr. Malhuret en mars 2017 pour déterminer « ce qu’on souhaite faire » sur le site de Montpertuis va être élaborée... par l’Agence d’Urbanisme et de Développement de Clermont-Ferrand !
C’est Mr. Aguilera qui l’a confirmé, lors de cette séance du 8 mars.

Tout est donc en place pour que les dirigeants de Vichy Communauté puissent dire, le moment venu : « On a fait ce qu’on a pu pour éviter les industries polluantes mais là, il n’y avait rien à faire, nous étions en minorité» - verser des larmes de crocodile, et se faire tranquillement ré-élire.




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